lundi 21 novembre 2011

Les petites lois de la République

Nous nous sommes fait piquer la rubrique faits de société. Oui, nous, les journalistes.

Jusqu'alors, c'est nous qui informions la population des dernières atrocités commises par nos semblables. Parce qu'il faut bien en rendre compte et, oui, aussi, parce que depuis que la presse est presse, ça lui permet de vivre, cette glace sans teint du reflet de la noirceur de l'âme humaine.

La couverture de ces méfaits et la chronique judiciaire étaient des fenêtres factuelles ouvertes vers la plus noble de toutes : celle où l'on s'efforçait de comprendre, analyser et mettre en perspective la somme des monstruosités moulinées grâce un algorithme redoutablement efficace : celui de la mémoire des rédactions.

A grands renfort de témoignages de citoyens ordinaires ou d'experts avertis, nous finissions parfois par mettre le doigt là où ça faisait mal au corps social. Il arrivait même que la représentation nationale, éclairée par ces lignes noircies, s'empare de la question pour débattre à son tour et pondre une législation idoine. Certaines, même, devinrent de grandes lois de la République.

Mais ce débat était dangereux, puisqu'il soumettait les idées reçues à l'accusé de réception des faits. En un mot : il fallait réfléchir. Et réfléchir, c'est désobéir. Bref, ce qu'on appelle, dans une Démocratie moderne et expéditive, du temps perdu.

Des communicants politiques inventèrent donc la riposte réglementaire et/ou législative en temps réel, plus communément appelée : "un fait divers, une loi". C'est le court-circuit idéal, une sorte d'électrochoc immédiat pour éradiquer de la cervelle humaine ce petit endroit où, depuis qu'il vit en société, l'homme cherche à élaborer patiemment et collectivement des lois communes. Un processus qui a le mérite d'aboutir à la création de textes respectés, car nés du mariage de raison entre la sagesse et la contradiction.

Ne soyez donc pas surpris de trouver les rubriques faits de société moins grandes et les lois de la République plus petites.

mardi 15 novembre 2011

Carence

Monsieur le Président de la République, cher Nicolas

C'est un effet de calendrier qui me conduit à vous écrire ces mots. La Saint Nicolas approche, tout comme le terme de votre mandat et la sagesse des enfants est en définitive le garant de la crédibilité de leur saint patron. Les enfants de la République sont tellement énervés par tout le vacarme médiatique... Je suis certain qu'un peu de calme leur rendrait la sagesse qui leur manque.

Que les choses soient claires. Lors de la dernière présidentielle, je n'ai pas voté pour vous. Ni pour votre adversaire, d'ailleurs. Dans les secondes qui ont suivi mon entrée dans le bureau de vote, je me suis rendu compte encore une fois que je n'avais rien à y faire. Le sens du devoir du citoyen que je suis m'y avait conduit, mais une fois de plus, ma conscience de journaliste m'a fait tourner les talons. Je suis incapable d'être censeur et partie.

Bref, j'ai conforté par mon abstention cette neutralité qui me permet de compter les points de la vie politique française depuis deux bonnes dizaines d'années. Mes oreilles sont usées. Et pour vous dire les choses comme elles me viennent à l'esprit, je compte sur vous. Oui, ça n'est pas idiot de compter sur vous pour oser des aventures nouvelles. Vous en avez tant essayées.

Je compte sur vous pour trouver le moment, quand vous aurez estimé qu'il sera venu, de consacrer un peu de votre temps précieux à quelques instants de silence, applicables à vos fidèles, aussi. Et à vos opposants, d'ailleurs. Une sorte de sacrifice rituel que chaque citoyen offrirait à la Nation, poussé par la certitude qu'il apportera cette sérénité qui remet les idées en place. Pourquoi pas une journée de silence. Ou plus précisément une journée de carence en parole politique, non indemnisée.


dimanche 6 novembre 2011

Battre en retraite

Ce budget 2012 sera « l’un des plus rigoureux depuis 1945 », a prévenu François Fillon. Pourquoi le Premier ministre a-t-il pris cette période comme référence ? C’est en effet une année sombre pour le gaullisme.

Fin 1945, la discussion du budget a valu au Général une retraite anticipée. Et ce n’est pas le gouvernement qui voulait imposer la rigueur, mais la première Assemblée nationale constituante, qui souhaitait tailler dans les crédits de la Défense nationale.

« Comme s'ils voulaient eux-mêmes souligner que leur attitude n'avait été que manœuvre et palinodie, les malveillants se turent tout à coup. L'ordre du jour adopté par l'Assemblée quasi unanime ne me dictait aucune condition. Après quoi, le budget fut tout simplement voté. Mais, bien que ma défaite n'eût pas été accomplie, le seul fait qu'elle eût paru possible produisit un effet profond. On avait vu mon gouvernement battu en brèche par la majorité au long d'une discussion remplie de sommations menaçantes. On sentait que, désormais, il pourrait en être de même à propos de n’importe quoi. On comprenait que, si de Gaulle se résignait à cette situation pour tenter de rester en place, son prestige irait à vau-l’eau, jusqu’au jour où les partis en finiraient avec lui ou bien le relégueraient en quelque fonction inoffensive et décorative », écrivait de Gaulle dans ses Mémoires de Guerre.

Il lui a fallu près de 20 ans pour réussir son come-back. C’est long, mais après tout, François Fillon est encore un jeune quinqua. Il ne va pas battre en retraite... avant 65 ans ? A la rigueur 67.