vendredi 31 mai 2013

Conflit d'intérêt manifeste

J'avoue, je connais le professeur Gromb. Enfin, pas personnellement. Je connais un magistrat qui connaît un journaliste qui la connaît. Et de fil en aiguille nous nous sommes croisés un jour Sophie et moi sur une aire d'autoroute : elle rentrait de congés, je partais en vacances. Le monde est petit.

D'ailleurs, je dois avouer aussi que je connais personnellement plusieurs dizaines de femmes et d'hommes politiques impliqués dans des affaires plus ou moins retentissantes. J'ai même noué des relations franchement amicales avec le trésorier d'un candidat à la présidence de la République dont le financement de campagne fait polémique.

A cette liste d'aveux sur mes relations dangereuses, je dois ajouter une dizaine de patrons de plus ou moins grandes entreprises, de salariés bien informés, de syndicalistes très attentifs à l'avenir de leur entreprise, de représentants des forces de l'ordre, dont certains hauts placés dans la hiérarchie du renseignement français.

Comme vous pouvez l'imaginer, il m'est donc arrivé de partager des repas avec ces personnes, parfois même d'avoir aussi des conversations et pire : d'échanger des informations.

Je sais, c'est mal et on me l'a déjà reproché. Et j'ai alors éprouvé la même exaspération que celle des trois juges d'instruction qui ont mis en examen Nicolas Sarkozy pour abus de faiblesse de la milliardaire Liliane Bettencourt.

La solution ? Interdire aux magistrats, aux journalistes, aux politiques, aux policiers, aux prolétaires, à leurs représentants et aux experts de se fréquenter. Mieux : les obliger à se marier entre eux et imposer que leurs enfants soient éduqués dans des établissements spécifiques. La mixité sociale doit être devenue une chose dangereuse.

Et si un jour je dois assurer la chronique judiciaire du procès de la fille d'un magistrat avec qui, jadis, j'ai passé une soirée, par ailleurs traduite en justice pour avoir diffamé en assurant sa défense l'ami expert syndiqué de son père dans le procès d'un politique que je connais suite à la plainte de mon garagiste, je veux bien être pendu pour conflit d'intérêt manifeste.

mardi 28 mai 2013

Les mots pour le dire

Comment appelle-t-on la fin d'un processus de chute ? La fin de la fin, le début de la fin de la fin ou le début du début ?

Épineuse question qui agite sondeurs et journalistes depuis que notre président de la République (ainsi, au passage, que le premier de ses ministres) cesse de descendre dans les sondages.

Cela donne du « Hollande et Ayrault enrayent leur baisse de popularité », du « La chute de popularité de François Hollande marque une pause », ou encore du « Popularité : Hollande et Ayrault remontent la pente ».

Remonter, descendre, des cotes, des côtes et des pentes… On sait bien qu'en politique, même quand la route est droite, une pente trop forte peut vous empêcher de grimper et qu'à la moindre panne de moteur, c'est la descente en marche arrière assurée.

On n'oubliera pas non plus que l'important c'est pas la chute, c'est l'atterrissage.

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Billet initialement publié ici.

vendredi 24 mai 2013

Juste un détail

Bien que particulièrement horripilé par la façon dont les valeurs de notre république se désagrègent un peu plus chaque jour, je ne vais pas pousser un coup de gueule. Ça n'est pas mon style et je n'en ai plus l'âge.

Non, je vais juste mettre en perspective ces deux ou trois dérives qui, ces derniers temps, ont poussé un peu loin le bouchon de l'exaspération dans les eaux calmes de mon long fleuve tranquille.

Nous sortons à peine (un an c'est court) d'un quinquennat dont on retiendra qu'il aura consacré la peur de l'autre comme valeur suprême du populisme gouvernant. Les roms qui sont passés du vol des poules à celui des smartphones, la menace terroriste pour transformer tout musulman près de chez vous en djihadiste potentiel, le Chinois qui nous tue parce qu'il travaille pour moins cher... On nous a tout fait. Même la justification des alliances UMP-FN par l'agitation du chiffon rouge de ces socialistes qui ont pris le pouvoir grâce au soutien des staliniens.

Le bruit et les odeurs de Chirac, les pains au chocolat de Copé... Manquait plus que le péril pédé, l'espèce menacée par la reproduction des homosexuel(le)s.

Faut quand même être sacrément obstiné dans l'exercice de la connerie pour imaginer survivre en continuant à s'enfermer dans des théories mortifères. Parce que franchement, là, de l'opposition au mariage pour tous, qu'est-ce qui reste ? Le suicide d'un idéologue brun devant l'église la plus touristique de France et la peur de sortir mener ses troupes sur la place publique de celle qui s'est autoproclamée leader de la révolution pour l'avenir hétérosexuel de l'humanité. Tout ça pour un texte que, dans quatre ans, l'opposition, si elle arrive au pouvoir, aura le droit de défaire ?

Reste que si la droite revient aux affaires en 2017 et qu'elle abroge le mariage pour tous, elle devra gérer un épineux problème. Car pendant ces quatre années, les homos mariés auront eu des enfants. Combien ? 10.000, 100.000 ? Je l'ignore.

J'espère juste qu'on évitera de parler de camps, parce qu'après les musulmans, les manouches et les communistes, ça va devenir difficile de faire passer tout ça pour un détail de l'histoire.

lundi 20 mai 2013

Vous avez dit vision ?

Les audiences de l'Eurovision en berne, c'est un signe des temps. Car L'Europe, c'était notre avenir, de l'Atlantique à l'Oural.

Nous y avons cru, nous nous sommes battus pour elle, nous lui avons été fidèles… Nous avons même fait tomber le mur des idéologies qui la traversait, croyant que le marché, pourvu qu'il soit unique, serait le meilleur des systèmes.

Mais ça, c'était hier. Aujourd'hui, le rêve est devenu un bidule technocratique ingouvernable. Charbon, acier, on a liquidé nos fondements et tout ce qu'on partage désormais, outre la monnaie unique, ce sont les politiques de rigueur budgétaire. Au point que certains imaginent la quitter, cette Europe.

L'Albion, certes, souvent perfide, mais pas seulement. Ici et là, sur le terrain austère de la crise, le souverainisme repousse. Bref, il faudra peut-être rebaptiser le programme. L'Eurodivision, ça sonnerait plus juste.

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Billet initialement publié ici.

mercredi 15 mai 2013

Ultras

En voyant les images du Trocadéro en proie aux casseurs, la France semble découvrir que parfois, le foot, ça n'est pas qu'un jeu. De la violence autour des stades ? Est-ce possible ? Oui.

On a même fini par inventer un nom pour désigner la chose : le hooliganisme. Le concept fut créé en Angleterre au milieu des années 80, notamment à cause du drame du Heysel, mais la réalité du phénomène touche l'ensemble de l'Europe depuis des décennies.

Certains noms sont restés dans les mémoires, comme Chelsea et ses Headhunters (chasseurs de tête) ou les Hell-side du Standard de Liège.

Le PSG, lui aussi, a une longue tradition de hooligans depuis le Commando Pirate jusqu'à la Catégorie D en passant par les Block B et le Commando Loubard. Eh oui, dans nos arènes modernes, on ne sacrifie plus de gladiateurs. La violence n'entre pas dans les gradins : elle attend dehors.

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Billet initialement publié ici.

mardi 7 mai 2013

Gaulois

Le Gaulois a mauvais caractère et ça ne s'arrange pas avec l'âge. Depuis vingt siècles, ses chefs le savent. Hollande aussi, aujourd'hui voué aux gémonies par trois Français sur quatre.

Culture de la zapette à audiences et du clic à buzz aidant, le phénomène s'est accentué avec l'histoire, qui s'accélère, comme chacun sait, depuis qu'elle s'est arrêtée.

Un an après leur élection, la cote de popularité de Sarkozy chutait à 36 %, celle de Chirac à 37 % tandis que Mitterrand plaisait encore à plus d'un de ses compatriotes sur deux. Précisons toutefois qu'en mai 2008, le président du pouvoir d'achat avait la queue aussi basse que celui de la réduction de la fracture sociale en 1996 ou encore que celui du changement c'est maintenant aujourd'hui.

Quant à Mitterrand, il savourait ses derniers jours d'état de grâce avant de décevoir les Gaulois en faisant tomber le ciel de la rigueur sur leurs têtes.

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Billet initialement publié ici.