samedi 31 décembre 2011

Silence

Ce que je vous souhaite pour 2012 ? Une année sans idole ni héros. Comme si au prochain sondage destiné à établir la femme ou l'homme politique, l'animatrice ou le journaliste préféré des Français vous pouviez rester sans voix.

Histoire juste que vous puissiez trouver la votre. Comme attiré par l'envie de vous écarter des sentiers battus pour trouver la voie.

Le tumulte libre des mots que nous déchaînons ici est parfois aussi ahurissant que la bouche grande ouverte d'un muet s'efforçant de faire entendre ce qu'aucune oreille ne peut écouter.

Pourtant à vous lire, je trouve espoir et confiance. Pour la plupart, vous n'êtes pas de ces animaux dociles qu'il suffit de caresser dans le sens du poil pour les entendre ronronner.

Alors, pour 2012, je vous prie de croire que cette idée répandue selon laquelle pisser dans un violon ne produit aucun son est fausse.

Je vous conjure de ne jamais écarter les choses qui vous viennent à l'esprit au prétexte de l'incongruité qu'elles vous inspirent, ou qu'on prétendra qu'elles évoquent.

Il n'est d'idée juste se réduisant au silence.

vendredi 30 décembre 2011

Panem et circenses

C'est encore trop lent. Et trop de pensées complexes s'expriment. Les réseaux sociaux devront trouver en 2012 une forme plus efficace, plus concise, plus rapide.

Tant d'espaces sont peine perdue. Dans une société de l'information vraiment contemporaine, il faut imaginer l'information comme une pure transmission de messages.

Il faudra abolir les subversives analyses abyssales des mots dits avants. C'est le moment, l'instant qui compte. Qu'importent les renoncements et les reniements, les ruptures dans la continuité.

Il faudra atteindre le RT, le + ou le like dans le millième de seconde sur des informations réduites à moins de dix caractères.

Dès lors, les oublis des tribuns de la plèbe seront légitimés, tout comme la paresse de nos mémoires. Nous souhaiterons des destinées fécondes ou funestes dans la seule splendeur de l'exploit d'un instant.

Alors, nous retrouverons la torpeur, l'effroi et les égarements du peuple de la République perdue le jour où, autour des arènes, sa citoyenneté se réduisit au droit de lever ou de baisser le pouce.

jeudi 1 décembre 2011

Liberté d’expression

Les auteurs ont le droit de tout dire, tout écrire, dans les limites imparties par l’état du droit, qui laisse de la marge. C’est ce que l’on appelle la liberté d’expression et c’est précieux comme la Démocratie. Fragile aussi.

Voilà ce qui permet à un auteur de narrer un DSK antisémite qui se torche le cul avec les pages de La Nuit d’Elie Wiesel. S’en offusquer serait d’ailleurs une marque d’intolérance ou un sérieux manque d’humour. C’est bien connu : on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde : les jeux de mots sur les fours crématoires amusent rarement les enfants de victimes de la Shoah et les blagues pédophiles ne font que très peu s'esclaffer ceux qui en ont été victimes.

Le devoir de mémoire ? Incompatible avec une société de l’immédiat. L’éthique ? Un gros mot. Le respect ? Un truc ringard. Non, tout peut passer à la moulinette de l’humour noir, de l’autodérision, de la provoc’ et des sarcasmes. Tout. Ça n’est qu’une question de temps.

Après les victimes des camps de concentration, celles d’Hiroshima, des guerres du Vietnam ou d’Algérie, du Wolrd Trade Center ou de Fukushima, sans oublier, évidemment, les millions martyrs de la finance internationale, cette nouvelle bête immonde qui écrase des vies dans les laminoirs de la spéculation.

Attendez-vous même à voir paraître un roman qui nous racontera que la tentative de suicide par immolation le 17 décembre 2010 de Mohamed Bouazizi n’était pas destinée à déclencher le printemps arabe, mais à assurer la promotion d’une marque d’essence.

On rira même des altermondialistes et de ces imbéciles qui perdent leur temps dans les mouvements Occupy, de Wall Street à La Défense. On peut parier aussi que le moment venu, un ou deux bouquins sortiront, mettant en scène cette insupportable dictature intellectuelle des défenseurs de la liberté d’expression.

Ça fera rire beaucoup de monde, cette pirouette. Ça deviendra même tendance au point qu’on ne saura plus si les politiques qui veulent revenir sur les lois qui défendent cette liberté de s'exprimer sont sérieux ou s’ils ont le sens de l’humour. Peut-être même finiront-ils par convaincre les électeurs de leur confier le pouvoir. Et nous aurons gagné une grande liberté : celle de ne plus entendre que leur seule expression.