jeudi 30 juin 2011

Fonds de commerce

Il est parfois équitable, électronique, se pratique dans des établissements, dans la rue ou entre les nations. Certains de ceux qui l’exercent ont pignon sur rue. D’autres sont moins sédentaires. C’est probablement le plus vieux métier du monde.

Il a tracé des routes sur les océans et au travers des montagnes ; fait tomber les frontières des langues. Il a donné naissance aux pirates, marchands, douaniers et contrebandiers ; à des actes, des codes, des lois, des tribunaux et des jurisprudences.

Ceux qui n’en respectent pas les règles s'exposent au courroux des leurs partenaires abusés. Des bagarres et des procès suivent toujours la violation de ses règles. Des guerres, mêmes parfois, mettant un terme à toute relation de ce genre.

Mais quand cessent les hostilités, il revient. On se rend alors compte combien il est précieux, y compris pour négocier la libération d'otages. Et on peut aussi se demander ce qui conduit des êtres humains à faire de leurs semblables une monnaie d'échange.

C'est probablement vieux comme le monde, ça aussi : en son nom, des hommes réduisent leurs congénères à l'état d'esclaves, oubliant qu'il est né pour échanger les richesses et non de partager la pauvreté. Car il est un moyen. Pas une fin.

L'homme ne devient objet de négoce que quand les marchands n'y voient plus qu'un fonds de commerce.

mardi 28 juin 2011

Menteur

Oui, il faut bien le reconnaître : il est grand temps de réintroduire les cours de morale, comme le souhaite Luc Chatel. Il a raison : "Qui vole un œuf vole un bœuf" et "Pierre qui roule n'amasse pas mousse".

Regardez par exemple cette vague phénoménale de triche au bac, ça fait peur. Ils n'arrêtent pas d'en parler à la télé, qui ne ment jamais. Enfin, il peut arriver des journalistes manquent de sérieux, d’éthique et de déontologie, comme dirait Jean-Pierre Pernaut, qui s’y connaît, mais c’est très très rare. Heureusement, le ministre de l'Éducation nationale veille au grain et il ne triche pas. Enfin, parfois, mais c'était pas de sa faute, il a pas fait exprès.

Considérons donc que ces écarts de conduite sont exceptionnels et qu'ils ne font que confirmer la règle. Sauf que le problème avec les exceptions, c’est que quand elles passent à la télé, elles n’échappent pas à la sagacité de nos sales gosses, qui passent leur temps devant, ces graines de sauvageons, ces fraudeurs aux exams en puissance. Et là, franchement, ça devient de plus en plus compliqué de leur faire la morale.

Parce que c’est toujours la même chose avec l’exemplarité : faut pas qu’il y ait de défaillance. Sinon, le moment venu de leur expliquer, à ces marmots insolents, que tricher ou mentir, c'est mal, ils vous répondront un truc du genre : "Bah, enfin, c’est pas grave ! Tout le monde le fait".

Luc Chatel a donc raison : il faut réintroduire les leçons de morale. D'ailleurs, je vais lui envoyer une lettre pour lui suggérer d'ajouter sur la liste des maximes au programme cette petite phrase de Pierre Corneille : "Un menteur est toujours prodigue de serments".

lundi 27 juin 2011

Chacun son tour

Tandis que de misérables assistés pédalent dans la semoule, la France entière s'apprête à ne plus river ses yeux que sur le fait majeur de l'actualité juilletiste : LE Tour de France.

Ce qui me rappelle une vieille blague : "C'est le seul moment de l'année où les Français se massent au bord des routes pour applaudir au passage de toxicomanes". Elle est facile, je sais bien, mais ça me fait toujours rire.

Ce qui est moins drôle, c'est le tour suivant. Car oui, il y a deux Tours de France en 2011. Vous l'ignoriez ? Le second est d'ailleurs parti avant le premier, avec des participants qui se précipitent sur la ligne de départ avant que les Français se mettent la tête dans le guidon estival.

Après la petite reine, le grand président. Ce tour qui a démarré fin juin 2011 ne s'achèvera qu'en 2012. Un épreuve longue, tortueuse, avec des routes droites et des pentes raides, des virages glissants, des câbles qui pètent, des changements de braquets, des coups de pédales en danseuse et des roues sucées.

Dans le second comme le premier, les droits de retransmission chèrement acquis permettront aux uns comme aux autres d'étaler l'image d'équipes soudées derrière leur leader. Seules les audiences seront dopées.

On se souviendra peut-être d'autres épreuves. L'enfer des pavés, c'est beaucoup moins glamour. Les 2.400 mètres de la tranchée de Wallers-Arenberg ne sont pas aussi télégéniques. Les salles terres ouvrières sous la pluie ne valent plus le fil des kilomètres de bitume avalés sous le soleil du 13 heures de Pernaut.

Au final, on acclamera celui qui franchira la ligne des Champs-Elysées. Et la France restée sur le bord de la route ? Comme l'écrivait Antoine Blondin, "Dans cet univers plein de bruit et de fureur, c'est le bruit des uns qui provoque la fureur des autres".

vendredi 17 juin 2011

Fumiers

Un antibiotique (du grec anti : « contre », et bios : « la vie ») est une molécule qui détruit ou bloque la croissance des bactéries, explique très bien Wikipédia.

J'ai juste une question très candide (mais je crois que beaucoup se la posent) : et si cette molécule et ses dérivées, après avoir sauvé tant de vies, se mettait à décimer l'humanité grâce au renfort des industries pharmaceutiques et agroalimentaires ?

Je ne suis pas scientifique, mais collecteur de faits. Ceux que j'ai pu recueillir de ce côté agricole m'amènent à m'interroger naïvement. J'espère que le lisier issu des élevages en batterie d'animaux gavés d'antibiotiques pour survivre jusqu'à l'abattoir n'est pas répandu pour fertiliser les les cultures destinées à notre alimentation et à celle des animaux dont nous nous nourrissons.

J'espère aussi que les bactéries multirésistantes produites par cette agriculture intensive ne peuvent pas traverser les frontières qui séparent le végétal et l'animal.

Je me souviens de ces scènes d'abattage de vaches folles. Cette grande époque où l'agroalimentaire avait réussi à nous rouler dans la farine en nous faisant avaler des animaux nourris avec leurs congénères incinérés.

Enfin bref. J'en sais rien. Mais j'ai un peu comme encore l'impression qu'en nous faisant bouffer de la merde, ils s'engraissent, ces fumiers.

jeudi 16 juin 2011

Notable

L'histoire de Louis van Proosdij n'en finit pas de soulever des questions. Elle m'a ému, interpellé et je m'en suis préoccupé parce qu'elle m'a, comme d'autres, renvoyé vers ces vieux doutes qui me travaillent depuis longtemps sur notre capacité - journalistes, blogueurs ou "simples" citoyens internautes - à dénoncer les injustices et oeuvrer pour qu'elles cessent.

En redéroulant la chronologie de cette soirée du mardi 14 juin 2011 où tout s'est noué, enchevêtré, pour faire naître un buzz exemplaire, je me me suis rendu compte que le premier cercle de diffusion de l'information était constitué de notables du Web : influents et tontons blogueurs.

Et c'est bien normal : tous connaissent Louis grâce aux heures et aux années qu'il a consacré - sacrifié parfois - à Internet.

Reste que ça m'a renvoyé à cette vieille impression selon laquelle, dans cet univers 2.0, nous n'avons pas vraiment changé les schémas féodaux : selon que vous serez cyberpuissant ou webmisérable...

Sauf que voilà : Louis, dès les premières lignes de son billet, a transcendé la douleur et l'humiliation de sa condition pour voir plus loin que son cas : "C'est en décrivant l'épreuve, en faisant fi de ma pudeur et de ma grande discrétion que j'ai une chance d'être entendu, et éventuellement que ça serve à d'autres".

C'est un message que les milliers d'anonymes qui ont pris fait et cause pour Louis ont reçu fort et clair, comme la preuve que tout n'est pas foutu, qu'on peut encore croire qu'une heureuse main du destin peut surgir pour vous sortir de la merde, quand bien même vous n'avez aucune relation.

Certes, c'est une nouvelle forme d'arbitraire, car on ne saura jamais si les notables du Web s'imposent en leur âme et conscience de ne soutenir que des causes universelles, et pas des cas individuels. Mais Louis a montré la voie, et ça, dans l'évolution des relations de pouvoir au sein de notre société numérique, c'est un fait notable.

jeudi 9 juin 2011

Réalité augmentée

Voilà. Ce petit blog souffle sa première bougie et ça m'a donné envie d'expliquer à ceux qui débarquent où ils ont mis les pieds.

Il y a 365 jours, donc, j'avançais à tâtons sur Twitter depuis un an. Comme beaucoup, sans trop savoir quoi en faire ni ce que j'y faisais vraiment.

Comme je suis un vieil internaute, je ne faisais qu'essayer de parfaire ma connaissance des évolutions du Web, histoire d'être un minimum capable de répondre aux questions de mes enfants, dont la naissance est postérieure à celle du Net.

J'ai probablement perdu des heures à écrire des choses parfaitement inutiles, au milieu desquelles d'autres moins mauvaises m'ont permis de lier contact avec des gens biens qui sont toujours là (je profite de l'occasion pour leur claquer une bise inestimable).

Des très célèbres qui ne tweetent maintenant plus et puis des inconnus devenus influents depuis : le monde comme il est et les destins comme ils se croisent.

Bref, un soir, frustré comme tant d'autres par le carcan des 140 caractères, j'a décidé d'exploser le format et de raconter des histoires. Des tweets à rallonges, comme le dit si bien mon vieux camarade de promo Vincent.

Une ou deux Chimay aidant, je me suis envolé dans une narration tweetestque (toujours d'actualité, d'ailleurs) qui, j'en étais alors convaincu, devait finir par me faire détester définitivement par ma minuscule communauté et me convaincre de supprimer ce compte qui me bouffait tellement de temps.

Mais ça ne se passe jamais comme on le prévoit. Au fil de l'histoire le nombre des followers a surpassé celui des unfollowers pour me faire toucher en plein récit la barre diabolique des 666. Je m'en souviens comme si c'était hier.

Moi dont le métier est de prendre du temps et du recul pour composer des papiers et des livres, j'ai pris plaisir à éprouver une nouvelle forme d'écriture : le direct, sans prompteur ni correction, avec la critique des lecteurs en temps réel. C'était le concept de chaque #twitstory : produire un texte au fil de la pensée.

Et j'ai aimé ça, au point de continuer, de livrer pendant des semaines des histoires immédiates, sans me poser de questions sur la façon dont elles étaient reçues, sans me soucier de perdre plus que de gagner.

Certains vous diront que j'ai pourri leur TL. D'autres confieront qu'ils me reprochaient de ne pas être là le soir pour leur raconter mes délires.

J'ai probablement écrit deux ou trois choses intelligentes au milieu d'un monceau d'inepties. En tout cas, ça m'a permis, comme toute forme d'écriture, de régler des comptes. Probablement surtout avec moi-même. Et je me suis réveillé un matin en me disant qu'il était temps d'arrêter l'aventure pour reprendre une activité normale.

Je ne sais pas ce qui en restera, ni de quoi demain sera fait. Je ne retiens qu'une chose : ce périple 2.0 aura prodigieusement augmenté la réalité du nombre des êtres humains susceptibles de changer ma façon de voir le monde.

mercredi 8 juin 2011

Tribunes

Faute ! Y'a faute. Pardon, c'est l'image qui me vient à l'esprit, moi qui ne suis pourtant qu'un piètre footeux, pour raconter cette histoire.

Ce petit côté ambiance de stade convient bien. Plus précisément cet instant du match où, voyant un des joueurs tricher ou l'arbitre se tromper, ça gronde dans les gradins. On se lève, on siffle on y va de son commentaire et on se rend compte que le gars, à côté, a une explication non pas différente, mais complémentaire. Et on cause. Et on comprend mieux.

Bref, avec l'ami Rubin, nous étions en train de gueuler sur l'arbitre CSA dans la partie audiovisuel / réseaux sociaux. On a refait le match chacun de notre coté et nous nous sommes rendu compte que les deux points de vue s'imbriquaient.

D'où l'idée de pousser la voix ensemble. Il semble que ça n'était pas complètement idiot, vu que le coup de gueule se retrouve maintenant partagé sur Atlantico, Les Inrocks, Electron Libre et Mediapart.

Tout ça me donne envie de vous dire : que ce soit l'arbitre ou les joueurs, peu importe. Quand y'a faute, ne restez pas spectateurs : sortez des tribunes.

lundi 6 juin 2011

Innocence

Notre avenir ne tient qu'à un fil : celui des mots que prononcera à l'audience Dominique Strauss-Kahn devant le juge Michael Obus.

Et si DSK n'était pas ce prédateur sexuel ? Et s'il avait été piégé par d'infâmes comploteurs qui, sentant le danger, l'ont fait taire ?

Il faut revenir sur les épisodes précédents : DSK n'a infligé aux nations dépensières la sanction de l'austérité que pour les sauver.

C'est en fait un libérateur des opprimés. Une sorte d'antéchrist niché au sein du grand capital pour mieux le subjuguer.

Et nous le savons tous : le grand capital est suffisamment pervers pour laisser s'y introduire aujourd'hui celui qui le culbutera demain.

Bref, DSK plaidera son innocence et mieux : si d'aventure à l'issue de son procès il devait être affranchi, nous en ferons notre sauveteur.

Il reviendra devant nous comme le messie, un presque fils de Dieu survivant aux outrages. Son innocence effacerait tant de nos culpabilités.

L'homme a toujours su transformer les monstres en divinités, brûler les idoles aussi bien que changer les bourreaux en victimes.

En définitive, ça n'est pas tant de celle de DSK dont il est question dans cette affaire que de la nôtre, cette chère innocence.

vendredi 3 juin 2011

Génotype

La communauté scientifique n’en finit pas de se déchirer sur les mœurs des bonobos. Cette question nous préoccupe tous, puisque nos caractéristiques génétiques sont semblables à près de 99 %.

Une des questions débattues est évidemment la sexualité de ces primates, à l’origine de nombreuses blagues chez nous autres homo sapiens.

Femmes des autres, enfants… les mâles sauteraient sur tout ce qui bouge plusieurs fois par jour. On a longtemps cru que leur sexualité débordante était une façon conviviale de calmer les tensions.

Mais cette image d’une société pacifique et harmonieuse ne serait qu’un mythe. Les mâles dominants profiteraient de leur autorité pour abuser de leurs semblables. Espérons que cette vilaine tare soit restée dans le petit pourcent qui sépare leur génotype du nôtre.

jeudi 2 juin 2011

Par la racine

Quand les faits ou les fruits tombent, on en veut la primeur. Tout de suite, maintenant.

Sauf que les vérités sont comme les salades : il faut leur laisser le temps de mûrir. A les cueillir trop tôt, on n'en récolte que d'indigestes ; ou trop tard, flétries, tout juste de quoi en faire une mauvaise soupe.

Mais comme tout s’accélère, se consomme immédiatement et qu’on y a pris goût, on finit par trouver ça normal de se payer aujourd’hui les légumes cueillis hier à des centaines de kilomètres. Tout comme de pouvoir éplucher demain l’information certifiée d'origine contrôlée de l’endroit exact où, avant-hier, entre le sol de culture et l’étal du commerçant, le produit a été contaminé.

Cela dit, on peut aussi songer à cultiver son jardin. Mais attention, il faut être patient, savoir laisser filer le temps des saisons qui, elles aussi, et plus certainement qu'une bactérie, nous enverront manger les pissenlits par la racine.