mardi 23 août 2011

Ardoises

Avant les vacances, un candidat à la présidentielle assurait dans une émission politique qu'une campagne ne se joue pas sur Twitter. Je vais taire son nom, ça serait trop facile de le stigmatiser tant sont nombreux ceux qui, postulant aux mêmes fonctions, ont tenu d'aussi ridicules propos.

Hormis d'irréductibles Gaulois qui craignent que le ciel leur tombe sur la tête s'ils touchent un clavier et les quelque milliers de concitoyens qui vivent encore en zone blanche, le corps électoral est connecté. Selon Médiamétrie, La France comptait 38 millions d'internautes en février 2011 (71,3 % des Français de 11 ans et plus).

Si la grande majorité se contente de prendre des nouvelles de son compte en banque, du temps qu'il va faire demain, de l'état de la France et du reste du monde, le reste est plus actif, voire même participatif, notamment sur les réseaux sociaux et dans les commentaires.

Le Net, c'est l'estaminet des temps modernes : on peut y lire gratuitement le journal en écoutant l'analyse de Gustave ou de Mouloud. Il n'est pas nécessaire d'avoir fait une école supérieure pour comprendre que c'est aujourd'hui dans ce vaste bistrot 2.0 qu'on se forge une opinion comme hier autour du zinc.

De même, on peut admettre sans avoir un QI supérieur à la moyenne qu'aujourd'hui comme hier, le quidam curieux d'obtenir des réponses à son "quoi de neuf", les journalistes qui cherchent des infos, leurs patrons qui les vendent et ceux qui en ont en stock ont tous et tout intérêt à s'y retrouver.

C'est donc par simple bon sens et souci d'efficacité - nonobstant le plaisir de la conversation et des cyber-cacahuètes - que les gens normalement constitués se rendent désormais au café du commerce en surfant.

Pour en revenir aux inepties de ce candidat à la présidentielle qui assurait dans une émission politique qu'une campagne ne se joue pas sur Twitter, j'invite ce dernier - et ses nombreux collègues - à mettre à jour la liste des troquets où ils veulent offrir des tournées générales et serrer des paluches d'électeurs pas si virtuels qu'on le dit.

Sites d'information, comptes sur Facebook ou Twitter, officiels ou fakes... les enseignes se sont tellement multipliées ces derniers temps qu'Europe1 a décidé d'y consacrer une bonne tranche de sa grille.

C'est judicieux et on reconnaît bien la Lagardère's touch dans le propos d'Emery :

Et en 2012, il y a en France une élection présidentielle. Et vous, comme moi, savons que les réseaux sociaux vont jouer un rôle. On ne sait pas lequel ni son ampleur, on sait juste qu'ils vont prendre part à la chose...


Bref, dans nos open-bars numériques, la campagne pour 2012 est ouverte : les infos sont gratuites, on peut se rincer à l'oeil, mais n'oubliez jamais avant de lever le coude que, primo, la gueule de bois, c'est désagréable et, deuxio, il faut parfois des années pour effacer les ardoises.

dimanche 21 août 2011

Poudre

Entre la poudre aux yeux et ceux qui y mettent le feu, l'histoire de notre civilisation est explosive.

Certains misaient, voici quelques décennies et de sinistre mémoire, leur peu de capital sur la dénonciation de "races inférieures" pour se refaire une santé politique. Un moteur à gaz qui a effacé de la surface de la planète des millions de femmes et d'hommes qui ne demandaient qu'à y vivre.

Mais ces horreurs sont lointaines, maintenant, nous dit-on. L'humanité, qui avance toujours dans le bon sens, se serait civilisée, assagie, modérée. Devant un tel étalage de folie, elle aurait appris à raison garder. J'ai des doutes.

Je vois ici des formations politiques prospérer en se nourrissant de la crainte que les puissants dictent aux misérables. Juste à côté, d'autres, voisines, jouent de cette peur que les faibles inspirent aux forts dès qu'il se mettent à s'interroger sur la juste répartition des richesses.

Les fins de races agitent aussi la menace que le métissage fait peser sur la pureté de leur espèce. L'étranger, non content de vider les poubelles des autres, voudrait remplir son propre frigo.

Bref, ce qui m'inquiète, c'est de ne plus saisir dans l'argumentaire de nos politiques qu'une offre de trouille. Celle que les uns inspirent aux autres et vice-versa. Je sais bien que la plateforme anxiogène permet de vendre de la poudre de perlimpinpin à des cancéreux. Mais quand ceux qui nous gouvernent ou qui prétendent y parvenir s'y mettent, c'est celle d'escampette que j'ai envie de prendre, avant que ça nous pète à la gueule.

vendredi 19 août 2011

Mortel ennui

L’étude des chercheurs de l’université de Queensland n’en finit pas d’affoler les téléspectateurs.

Ces heures que nous perdons scotchés au poste ruineraient inexorablement notre espérance de vie à raison de 22 minutes pour chaque heure passée devant.

Par ailleurs, ce sont les programmes de téléréalité, de plus en plus présents à l’antenne, qui sont les plus vus.

Ajoutez-y le fait que les participants aux émissions de téléréalité, d’abord fascinés par l’envie d’en être, finissent de plus en plus souvent devant les tribunaux pour réclamer des salaires décents - sans parler de ceux qui dépriment, se droguent ou mettent fin à leurs jours - et vous obtiendrez le résultat d’une terrible équation : on s’empoisonnerait la vie en se nourrissant du mortel ennui de ceux qui se tuent à le porter à l’écran.

jeudi 18 août 2011

Panne

Le changement juste d’Eva Joly l’atteste : les communicants politiques manquent d'imagination.

Outre le fait qu’on ne peut s’empêcher de chercher les inspirations dans les slogans éculés de campagnes déjà labourées, la difficulté de l’exercice s’est accrue avec la rudesse de la conjoncture : la crise rend les mots sensibles.

Difficile de vendre du changement, de l’autre ou du possible quand l’horizon est bouché.

Périlleux de faire appel à l’union des talents ou au tous ensemble quand le repli pousse au chacun pour soi.

Pas simple d’évoquer l’idée de justice sans prendre le risque de passer pour un dangereux révolutionnaire. Impossible de la jouer tranquille quand nos forces nous abandonnent...

Et si ça n’était pas l’imagination des communicants qui était en panne, mais la politique elle-même ?

jeudi 11 août 2011

A l’anglaise

L’Albion serait-elle redevenue perfide ? L’actualité remet au goût du jour les mots que Bossuet ou Madame de Sévigné réservaient à nos voisins.

Cette fois, la perfidie sévirait à la corbeille à coup de rumeurs. C’est un tabloïd britannique qui aurait lancé des bruits désobligeants sur un de nos fleurons bancaires.

Une rumeur sortie de la Manche ? Encore. Voici plus d’un an, d’autres sombres murmures s’affairaient à déstabiliser le sommet de l’État français. Carla Bruni, Benjamin Biolay… Souvenez-vous. Et d’où venait-elle, cette infamie ?

Pierre Charon, l’ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, s’interrogeait sur le rôle de la presse anglaise, déjà.

Bref, les rumeurs vont, et comme souvent dans notre histoire, quand on ne sait pas trop d’où elles viennent, on les voit filer à l’anglaise.

lundi 8 août 2011

Notamment

Une mauvaise note dans le concert des nations et voilà la cacophonie. La faute à qui ? Au chef d’orchestre Obama ? Aux musiciens de la scène internationale qui estiment que l’oncle Sam les mène à la baguette depuis trop longtemps ?

Rien de tout ça. C’était une bourde, assure Barack, qui a notifié ses griefs à qui de droit, notablement énervé qu'on entache ainsi sa notoriété.

Mais bon. Une erreur de calcul, ça peut arriver à tout le monde. Même à Standard and Poor’s. Il faut dire que quand on commence à compter les dollars en trillions, ça ne doit pas être simple.

Mais comment est-ce possible ? Cela dénote-t-il un manque de sérieux ? On voit mal ces notables de la finance commettre des erreurs dans leur prise de notes.

Alors le doute plane. En fait, il faudrait inventer un organisme qui note les agences de notation. Et puis par mesure de sécurité, une agence pour vérifier que le travail de ces experts n'est pas trop politiquement connoté, notamment.

samedi 6 août 2011

Dupes

En affaires comme en politique, plus rien ne se construit sur fondation. On spécule sans fondement. Il est naturel de perdre du jour au lendemain ce que l'on a gagné la veille, pourvu qu'entre temps l'investissement produise immédiatement ses quelques minutes de dividendes.

D'où l'intérêt de forger des alliances, de contracter des garanties. Qui finance la campagne de qui ? Qui, en retour de la générosité de l'un, favorise les contrats de l'autre ? Des questions d'une banalité si affligeante que nous ne nous les posons plus, dans un monde où la défense du libéralisme l'a confusément emporté sur celle des libertés individuelles.

Le devoir d'entreprendre à tout prix - sauf celui du risque - est admis comme étant supérieur au droit de penser, y compris chez les marchands et les banquiers. Prêteurs, tueurs... ce sont les gages qui commandent, qui ordonnent, qui exécutent.

L'idéal collectiviste est mort, l'éthique du libéralisme aussi. Nous devons survivre dans cette sorte d'anarchie mafieuse d'un non-marché dont les fossoyeurs espèrent que nous resterons les dupes.

mardi 2 août 2011

Matrice

J'avais promis, car ça me taraude, en tant qu'homme, fils, mari et père. Les hommes, les femmes (mais aussi les hommes et les hommes, tout comme les femmes et les femmes) : ce qui nous sépare, nous rapproche, nous colle ou nous écarte. J'avais promis de consacrer un peu de mes vacances à réfléchir de temps en temps à un billet sur la différence entre les hommes et les femmes.

C'est plus d'une vie qu'il faudrait y consacrer pour y parvenir. J'ai échoué. Probablement. Parce que j'ai compris que ça me dépasse. Oui, ça me dépasse cette masculinité qui dépasse de moi. Et parce que oui, il faut accepter que ça nous dépasse, nous, les hommes, ce sexe exigeant qui veut s'extérioriser. A tout prendre ; à tout prix.

Ce qui dépasse des femmes est beaucoup moins dur et exigeant. Des fesses et des seins qui se peau-lissent ardemment ou tendrement. Leur vouloir-vivre à elles est dedans.

Cet endroit précis où nous avons passé tant de mois heureux avant d'être un jour poussés par l'envie d'en sortir. Puis, quelques années plus tard, par celle d'y revenir. Là où, au fond, nous sommes devenus des êtres humains.

Mais nous n'y sommes que des passagers, des hôtes, ce lieu n'est pas le notre. Il ne s'ouvre à nous que par l'amour de la maîtresse de céans. Nous ne sommes que des amateurs de la matrice.

lundi 1 août 2011

Pipeau

C’est un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Juste avant le journal télévisé, un programme incitait les enfants à aller se coucher. Aujourd’hui, c’est plutôt le contraire. Les parents ont de la peine à déscotcher leur progéniture de la lucarne.

Depuis, les chaînes privées sont nées, ont prospéré ; les canaux et les écrans se sont multipliés… Et comme le redoutait André Malraux, se sont créées des « usines de rêve » qui cherchent à gagner de l’argent.

Pour cela, écrivait le ministre de la Culture en 1967, elles font appel « au maximum à l’instinct car c’est ce qui rapporte le plus ». Cela dit, ces temps audiovisuels n’étaient évidemment pas aussi roses que le pyjama de Pimprenelle : c’était l’époque de la télé d’État, de l’information contrôlée par le pouvoir.

Et juste après Bonne nuit les petits, à sa façon, le JT endormait les parents, aussi, sur un air de pipeau. L’air, parait-il, aurait changé.