lundi 27 septembre 2010

Ici et maintenant

C'est toujours surprenant cette crainte qu'ont les êtres humains à montrer leur âme. Cette pudeur, cette vulnérabilité

J'ai cru un temps que la distance numérique des réseaux sociaux pouvait faire tomber ces tabous. Anonymat ou pas, rien n'y fait

Il reste toujours cette vieille peur de se livrer, d'être une proie potentielle, de finir dans les griffes de prédateurs virtuels

Ou plutôt ce doute sur ce que nous sommes en définitive, notre place dans cette meute à laquelle nous avons tous choisi d'appartenir

Toutous dociles qui suivent leurs maîtres, chiens-loups encore sauvages, la bave aux dents, roquets hargneux, Saint-Bernard

Je garde toujours l'espoir que nous ne sommes rien de tout ça. Que nous gardons assez d'instinct sauvage dans nos âmes civilisées

Que cette sorte de sagesse salvatrice entre notre passé et nos avenirs nous donne la liberté de construire le monde autrement

Ici et maintenant, nous sommes libres de ne pas reproduire les faux schémas de la vraie vie, les convenances, les bienséances

Mais je suis peut-être un fou qui rêve d'un monde libre. Libéré surtout de ces carcans sociaux qui nous étouffent depuis trop longtemps

Nous ne sommes pas nés pour être domptés. Nous sommes des bêtes sauvages qui savent jouer les animaux dociles

Twitstory du 27 septembre 2010 sur la TL de @christreporter

vendredi 24 septembre 2010

Comme un sifflement lancinant

Mes enfants ont le "Je t'aime" trop facile. Enfin, je crois. En tout cas, parfois, ça pose problème : y'a des gens que ça met mal à l'aise

Tenez, l'autre jour pendant les vacances, à peine arrivée au camping, la petite dernière se fait une copine. Elle lui dit : "Je t'aime"

La gamine a cherché partout autour des regards graves... Elle a trouvé des sourires attendris. Consternée, elle est partie jouer ailleurs

Autre exemple. Jeudi, toujours la petite dernière : elle se lance dans les bras de son grand frère en larmes et lui colle un bisou

Il pleurait parce qu'elle venait de lui massacrer sa construction en pâte à modeler. Mais ça a marché. Il lui a souri et dit : "Je t'aime"

C'est là que je me suis inquiété, parce qu'au même âge, si ma soeur m'avait ratatiné ma construc' en patamod' j'aurais pas pardonné

Avec leur mère (ma Rachël que j'aime), on s'est demandé d'où ça pouvait bien venir cette propension à la déclaration d'amour

On a pas eu besoin de pousser l'enquête trop loin : suffisait de relire les textos qu'on s'envoie. Ils se ponctuent tous par un "Je t'aime"

Oui mais pourquoi ? C'est ça la question. Là, il a fallu creuser, remonter à nos enfances respectives. Et bien en fait, on se rattrape

Des "Je t'aime", on n'en a pas entendu beaucoup sortir de la bouche de nos parents. Parfois, au détour d'une carte postale

Du coup, la première fois qu'une fille m'a dit "Je t'aime", il y a une trentaine d'années, il m'a fallu du temps pour m'en remettre

Une rencontre de colo. Elle s'appelait Sylvie, nous avions 13 ans, elle habitait Marseille et moi le Nord

Nous avons échangé des lettres pendant un an... On écrivait "Je t'aime" en très gros en bas des pages

Je crois qu'ensuite, je me suis mis à préférer les filles qui ne savaient pas dire "Je t'aime", voir même ne pas le montrer

Etre élevé par des parents qu'on entend jamais dire "Je t'aime", l'un à l'autre ou à leurs enfants, ça déforme

Je crois qu'il y a aussi cette petite musique dans nos têtes, ce cisaillement de la grande faucheuse. Je l'ai tellement entendu

Comme un sifflement lancinant qui vous chante : si demain tu dois disparaitre, est-ce que les tiens se souviendront que tu les a aimés

Donc voilà : à la maison, on a le "Je t'aime" facile. Et je crois que ça ne met mal à l'aise que ceux qui l'entendent difficilement

Ceux aussi qui, une fois morts, se retourneront dans leur tombe, réveillés par le lointain écho de ce sifflement lancinant

Mes amours, sachez avant toute autre chose que si demain je ne suis plus là pour vous le dire : "Je vous aime"

Twitstory du 24 septembre 2010 sur la TL de @christreporter

mardi 21 septembre 2010

Coucou

Aujourd'hui, j'ai eu peur. Je crois d'ailleurs comme beaucoup d'autres ici sur Twitter. Et si notre réseau social explosait...

Attention, hein, que les choses soient claires : pas une peur essentielle. Ceux qui me connaissent savent que j'ai connu bien pire

Oui, franchement, j'ai eu peur de perdre le contact avec vous. Et cette peur m'a fait comprendre un peu mieux ce que nous y faisons

Pour le reste, c'est un simple "coucou" qui me l'a fait définitivement assimiler. Là, vous allez me dire : "J'ai rien compris". C'est normal

Cette #twitstory qui va être longue et chiante, fait appel à
@Vinvin et @JCFeraud puis d'autres aussi mais dont le rôle est moins essentiel

Parce qu'au fond, ces deux gars, là, nous interpellent sur ce que nous venons faire ici. Et ça vaut le temps de s'interroger

Bref, aujourd'hui, alors que Twitter était en train de se barrer en quenouille, j'ai essayé de comprendre le pourquoi de notre présence

De la panne aussi. Et une fois les explications trouvées, je les ai partagées, pour éviter la propagation de ce truc

Là, j'ai vu plein de gens retweeter ces infos pratiques et ça m'a interpellé. Et puis bon. Tout ça s'est rapidement réglé

Dans l'intermède, j'ai pris le temps de vous lire, comme d'hab. Et j'en reviens à @JCFeraud dont je fais la connaissance

Ce garçon nous questionne, frères (et soeurs) humains (humaines) sur le sens de notre vie numérique et il a raison. Sur le "branding" aussi

Et puis voilà @vinvin qui demande à sa communauté quelle est la bonne dose de Doliprane à donner à sa môme de 7 ans

Le temps de finir de bosser, de boire et de manger, j'ai digéré tout ça en vous demandant de m'aider à vérifier si une application marchait

Je crois que dans ma vie numérique je n'ai jamais vu autant de monde répondre et ça m'a submergé, tout comme l'appli testée, d'ailleurs

Et j'ai recherché les réponses envoyées @vinvin pour le Doliprane de sa fille. Et j'ai relu les réponse @JCFeraud et j'ai compris, enfin

J'ai retrouvé ces premiers instants de la vie sur Internet où nous n'étions qu'une bande d'hurluberlus qui nous promenions à poil

Même pas peur de demander conseil. Pas de crainte d'afficher nos goûts musicaux. Juste une communauté mutuellement respectueuse

Je ne suis pas certain qu'Internet soit aujourd'hui en mesure de rester fidèle à cet âge d'or. Mais j'espère que nous en sommes capables

Le coucou gris ne construit pas de nid, mais la femelle dépose ses oeufs dans les nids des autres espèces

Et les autres espèces élèvent l'oeuf du coucou


Twitstory du 21 septembre 2010 sur la TL de @christreporter

vendredi 17 septembre 2010

Monstres

Vous vous souvenez, quand nous étions des gosses, de ces soirs où les monstres nous empêchaient de dormir ?

Aujourd'hui, ces soirées que nous passons à chasser les monstres des chambres de nos enfants sont des moments précieux

Elles scellent notre statut, cette confiance qu'on prend au moment de donner la vie. Cette force qui se bat contre la mort

En chassant ces monstres des chambres de nos enfants, nous donnons vie à ceux qui sont nés dans leurs rêves, et ressuscitons leurs ancêtres

Mais nous nous aidons ainsi à chasser les nôtres, nés dans nos rêves, et dont nos enfants héritent inéluctablement

Nous avons juste quelques années d'avance. Nous avons compris que les monstres de nos cauchemars finissent par arriver

Nous leurs trouvons chacun des formes propres et différentes, mais ils restent là, présents, chaque soir, incarnés dans nos vies

Nos parents ne sont parfois plus là, ou trop éloignés, pour les chasser. Nous devons accepter de nous endormir en leur présence

Mais nous savons qu'un jour, quand le moment sera venu, nos enfants nous aideront à chasser les derniers monstres qui nous retiennent en vie

Et ils ne le feront que grâce à ces moments précieux, ces soirées que nous aurons passées à chasser les monstres de leurs chambres

Twitstory du 17 septembre 2010 sur la TL de @christreporter

mercredi 15 septembre 2010

Bonbecs

Parfois, quand je regarde derrière moi, dans le bazar de mes 44 dernières années, je me dis : "Qu'est-ce que t'a pu être con"

Tout gosse déjà, à l'école, vu que mon père était pâtissier, je ramenais aux copains des tonnes de trucs à manger à la récré

Des années plus tard, quand j'étais pion pour me payer mes études, j'ai même échangé une affectation planquée contre un poste de merde

C'était une permutation avec un copain que ça arrangeait, parce que ça le rapprochait de son amoureuse. Je me suis foutu dans la merde

Ensuite, le jour où j'ai quitté la mère de mon premier enfant, je me suis engagé à lui donner un cinquième de mon salaire. Et je l'ai fait

Elle m'a quand-même trainé en justice pour essayer d'avoir une plus grosse pension alimentaire. J'ai pas bronché

J'ai jamais triché sur mon CV. J'ai jamais menti aux oraux des concours ou dans les entretiens d'embauche

Je me suis toujours interdit de casser du sucre sur le dos des collègues, même ceux qui me traînaient dans la boue pour avoir ma place

Je suis même allé jusqu'à voter pour des hommes politiques, convaincu qu'ils pouvaient changer le monde, c'est dire

Bref : j'ai jamais mangé mes bonbecs tout seul dans mon coin et j'ai gardé tous les copains qui partageaient les leurs

Et je n'ai jamais regretté d'en avoir donné aux autres. Juste, j'oublie pas. Même si j'ai l'air, faut pas me prendre pour un con

Twitstory du 15 septembre 2010 sur la TL de @christreporter

mercredi 8 septembre 2010

Dans le ventre et dans l'âme

Un jour peut-être, les journalistes cesseront de parler des auteurs, et les auteurs des journalistes. Et ça fera du bien

Pas que les auteurs, d'ailleurs : les peintres, les photographes, les comédiens, les réalisateurs... Bref, ceux qui créent des oeuvres

Pas définitivement, non. Juste le temps de voir comment ça peut exister, l'art, sans la critique des censeurs estampillés

Suffisamment longtemps pour étudier comment le public va vers l'art et vice versa, sans intermédiaire

Juste pour voir se remplir à nouveau les librairies, les galeries. Juste pour entendre les artistes, les auteurs, parler à leur public

Oui, c'est vrai, ça sera difficile de faire émerger des artistes "majeurs", des "best sellers", des "incontournables"

Oui, aussi, ça rendra le risque économique énorme de ne pas avoir une force de frappe organisée pour la consommation de masse

Ah, oui, c'est vrai : une grande majorité d'auteurs et d'artistes va devoir bouffer du rat crevé

Mais bon. Combien aujourd'hui bouffent du rat crevé matin, midi et soir ?

Je crois que ça vaudrait le coup d'essayer. Rien qu'une fois, histoire de vérifier

Juste pour voir ce que nous avons vraiment dans le ventre et dans l'âme quand personne ne nous dit ce qu'il faut y mettre

Twitstory du 8 septembre 2010 sur la TL de @christreporter

vendredi 3 septembre 2010

Conscience

Non, ça ne sera pas long. Juste un échange qui me revient en écrivant "émancipation des consciences". Des souvenirs s'y sont collés.

C'était il y a longtemps. Dans mon Nord Natal, dans la vallée de l'acier où le charbon des fonderies a longtemps noirci le ciel, même en été.

Une conversation entre un sidérurgiste et un député né au début du précédent siècle. Une figure historique de la gauche #RIP

Il rencontrait cet homme qui se plaignait de ses conditions de travail, de la dureté de la tâche et surtout, de la cruauté de son patron.

Il lui a répondu : "Moi, mon patron est un tyran. Il me force à produire jour et nuit, me harcèle sans cesse et sans relâche".

Le métallo, impressionné, lui demande alors : "Votre patron, je crois, est pire que le mien. Qui est-ce ?"

Alors cette vieille légende la gauche lui répond : "C'est ma conscience. Et tant que ce monde sera aussi rude, elle restera impitoyable".

Twitstory du 3 septembre 2010 sur la TL de @christreporter