Nous nous sommes fait piquer la rubrique faits de société. Oui, nous, les journalistes.
Jusqu'alors, c'est nous qui informions la population des dernières atrocités commises par nos semblables. Parce qu'il faut bien en rendre compte et, oui, aussi, parce que depuis que la presse est presse, ça lui permet de vivre, cette glace sans teint du reflet de la noirceur de l'âme humaine.
La couverture de ces méfaits et la chronique judiciaire étaient des fenêtres factuelles ouvertes vers la plus noble de toutes : celle où l'on s'efforçait de comprendre, analyser et mettre en perspective la somme des monstruosités moulinées grâce un algorithme redoutablement efficace : celui de la mémoire des rédactions.
A grands renfort de témoignages de citoyens ordinaires ou d'experts avertis, nous finissions parfois par mettre le doigt là où ça faisait mal au corps social. Il arrivait même que la représentation nationale, éclairée par ces lignes noircies, s'empare de la question pour débattre à son tour et pondre une législation idoine. Certaines, même, devinrent de grandes lois de la République.
Mais ce débat était dangereux, puisqu'il soumettait les idées reçues à l'accusé de réception des faits. En un mot : il fallait réfléchir. Et réfléchir, c'est désobéir. Bref, ce qu'on appelle, dans une Démocratie moderne et expéditive, du temps perdu.
Des communicants politiques inventèrent donc la riposte réglementaire et/ou législative en temps réel, plus communément appelée : "un fait divers, une loi". C'est le court-circuit idéal, une sorte d'électrochoc immédiat pour éradiquer de la cervelle humaine ce petit endroit où, depuis qu'il vit en société, l'homme cherche à élaborer patiemment et collectivement des lois communes. Un processus qui a le mérite d'aboutir à la création de textes respectés, car nés du mariage de raison entre la sagesse et la contradiction.
Ne soyez donc pas surpris de trouver les rubriques faits de société moins grandes et les lois de la République plus petites.
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