vendredi 22 juin 2012

Loup y es-tu

Vous connaissez tous, enfin j'imagine, l'histoire des trois petits cochons. Un grand classique. Mais jamais personne avant moi ne vous aura dit la vérité : il existe un cochon caché. Il joue pourtant un rôle majeur dans l'histoire.

Viré par sa maman comme les trois autres, avant de se lancer dans le bâtiment, il a pris le temps de réfléchir sur le sens de la parole maternelle.

Je voudrais que vous partiez d'ici et construisiez votre maison, dit-elle, mais prenez garde qu'elle soit bien solide pour que le grand méchant loup ne puisse entrer et vous manger.

Assez calculateur, ce quatrième cochon s'est alors dit qu'il était urgent d'attendre de voir ce que feraient les trois autres de la fratrie avant d'agir à son tour. Les petits derniers sont souvent comme ça.

Il vit ainsi ce que devint la baraque en paille du premier, la masure en bois du deuxième et la bicoque en brique du troisième. Il se rendit compte, surtout, du pouvoir phénoménal de la peur du loup et de ses conséquences sur le marché de l'immobilier chez les cochons.

Aussi - et c'est précisément la raison pour laquelle on ne parle jamais de ce quatrième cochon - il décida de passer un pacte avec le loup et de trahir ses aînés pendant que le troisième cimentait les briques.

OK, le loup, je vois bien ton obstination : je sens venir le coup de la descente par la cheminée. Comme les frangins sont pas complètement niais, ils vont te préparer un coup fumant. Mais si tu veux bien la jouer 50 / 50, je peux t'arranger l'affaire et on va se faire un max de thunes.

Interloqué, le loup s'empressa de demander au quatrième cochon de l'affranchir un peu davantage.

C'est pas compliqué, mon grand loup : toutes les cochonnes finissent un jour ou l'autre par envoyer leur progéniture paître. Et comme ils ont peur, ces bleus, de se faire bouffer par toi, la première chose qu'ils font, c'est de chercher des matériaux de construction pour se mettre un toit plus ou moins solide sur la tête. Donc, si on arrive à mettre la patte sur les marchés de la paille, du bois et de la brique, on va se faire des couilles en or. A quoi bon chasser le cochon quand tu peux payer des crétins pour le faire à ta place et te les servir tout cuits, en plus ? Évidemment, faut entretenir la peur du loup, d'où notre deal : on s'associe, je te sauve, tu me protèges et on partage les dividendes.

Le loup, loin d'être aussi idiot qu'on le raconte en général, sentit parfaitement le potentiel du quatrième cochon et décida de conclure le marché. Les détails techniques de la suite sont assez simples : le quatrième cochon balança un loup en peluche bourré de somnifères dans la cheminée. Les trois autres s'endormirent après la première bouchée. Le lendemain était née la WolfPig company et dans la foulée sa nébuleuse de filiales et de sociétés offshores.

Matières premières, mains d'oeuvre, agences immobilières, banques... la WolfPig company, rapidement en tête sur toutes les places boursières, inventa même les agences de notation pour punir les mauvais élèves ayant oublié la leçon de l'histoire du loup et des cochons, modèle économique devenu universel, incontestable et défendu par une grande majorité d'experts. Quelques acquisitions de grands groupes de presse permirent de faire avaler le tout aux cochons sceptiques.

La fin de l'histoire ? Le quatrième cochon devint la première fortune de la planète au classement Forbes. Il fit aussi la une de beaucoup de tabloïds pour ses scandales avec de nombreuses cochonnes. Le Loup, davantage discret mais de plus en plus gourmand, avala à peu près toute la population porcine de la planète au point d'en finir par loucher sur le seul restant : le quatrième cochon.

6 commentaires:

  1. Alors là, çà c'est une bien belle histoire !

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  2. Cher Christophe, enfin un conte moderne que je raconterai à mon grand fiston de 15ans...il sera surpris d'entendre sa mère vouloir lui raconter une histoire à son âge mais je pense que l'histoire le passionnera tout comme elle m'a passionnée.
    Belle plume tu es, belle plume tu restes! ;-)

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    1. Merci ! Et sinon, y'a pas d'âge pour les contes (-;

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