Comme un coup de grisou dans un puits sans fin, un tweet abscons m'est venu hier soir : "Le mineur naît naturellement bon. C'est la société qui le coron". Je m'en suis expliqué, mais comme j'ai une tête de pioche, j'ai décidé de creuser le sujet, comme dirait @Myriam.
C'est la faute à Zemmour, donc, et à la préparation, consécutive aux dernières saillies radiophoniques de ce dernier, d'une interview de Philippe Bilger sur la liberté d'expression, qui me minait un peu. C'est naturel : quand on va au charbon sur un terrain pareil, avec un interlocuteur si prompt à épater la galerie, mieux vaut étayer son propos.
Que les choses soient claires comme de l'eau de roche : je suis d'accord avec Bilger et Voltaire (@hipparkhos a raison, cette citation n'est pas certifiée d'origine, on en cause même sur la RTS) : "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire". Encore faut-il que les "je" soient exhaustifs quant aux "vous". En un mot : j'aime tellement la liberté d'expression que je considère qu'il est interdit d'interdire Zemmour, Guillon, Porte, Bedos fils, Alévêque et tous les autres rebrousseurs de poils.
Certes, j'ai égratigné, moi aussi, Zemmour sur la méthode, comme je l'ai fait jadis pour les autres précités. Pardonnez mon cynisme, mais la petite phrase est aussi un commerce, aussi choquant que cela puisse paraître pour nous ici qui nous contentons de les distribuer gratuitement. Les cadors des chroniques ne travaillent pas pour des klouts.
Ce à quoi ce cher Bilger va objecter : "Il est bien naturel qu'ils puissent vivre du fruit de leur travail. Ils le méritent, car eux seuls peuvent ouvrir des débats que la pensée unique ne cesse de fermer". C'est un argument en forme d'effet de manche : ces débats sont ouverts pour une minorité intellectuelle ayant accès à la culture et à la connaissance. Le grand public, lui, celui qui fait les audiences, ne creuse pas plus les petites phrases de Zemmour que celles de Loana (et comme vous l'aurez remarqué, je suis rousseauiste).
Mais surtout, le problème, c'est que les défenseurs de la liberté d'expression ont souvent la géométrie variable. Je m'étais amusé, début 2011, à placer Lionnel Luca, du collectif parlementaire pour la liberté d'expression, ardent défenseur de Zemmour, face à ses contradictions.
Nicolas Bedos venait de balancer, dans une chronique, que certains policiers, de nuit, étaient des "racailles tombées du bon côté" et avaient "un QI de poulpe mort". J'avais demandé à Luca s'il défendait aussi Bedos. Ce à quoi il m'avait répondu par l'affirmative... Jusqu'à la bronca des syndicats de policiers (voir le démenti embarrassé qu'il fit parvenir au Post).
Et voila, cher Philippe Bilger : il est tombé par terre, c'est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau... Bref, il est aussi improbable d'ouvrir un débat sur la probité des gendarmes que sur l'innocence des voleurs. Je vous jure : j'ai essayé. Mais je garde espoir : mine de rien, à force de rester à la surface des choses, on finira probablement un jour par toucher le fond.
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Mise à jour du 8 juin : mon interview de Bilger.
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