dimanche 22 août 2010

Mare nostrum

Tout le monde revient de vacances avec des souvenirs. Cette année, pour moi, ce seront des images de vieilles pierres et une cigarette.

Plus précisément, une Lucky Strike que je ne vais pas fumer, et pas parce que je ne fume jamais de cigarettes toutes cousues.

Quant aux vieilles pierres, ce seront celles des arènes de Nimes et des fortifications d'Aigues-Mortes.

Parce que ces pierres nous en disent long sur ce que nous sommes devenus, sur ce que nous devrions être.

A Nimes, je n'ai pas supporté la façon dont nos contemporains avaient enlaidi les arènes d'horribles gradins de fer et de bois.

Augmenter le nombre de places assises ? Le respect des pierres taillées il y a 2.000 ans vaut-il d'être soldé aux marchands ?

A Aigues-Mortes, autre conception du commerce des vieilles pierres, les murailles bénéficient d'un peu plus de considération.

Mais peu importe. Ce qui m'a marqué, comme à chaque séjour dans une zone frontalière, ce sont ces portes sur le monde.

En ces temps de xénophobie galopante, revisiter en touriste l'histoire de France dans ses lieux d'ouverture est salutaire.

Aux quatre coins cardinaux subsistent les traces de cités aux frontières invisibles, de ports ouverts aux étrangers.

Oui, dans les arènes de Nimes ou à Aigues-Mortes se sont mêlés des hommes et des femmes venus de tout le pourtour méditerranéen.

Esclaves, hommes libres ; marchands, métèques ; croisés, impies... Des pas tellement dissemblables ont foulé ces vieilles pierres.

Et ces vieilles pierres en ont gardé scrupuleusement la mémoire, sans exclusive. C'est à mes yeux ce qui les rend respectables.

Dans les cités frontalières, dans les ports, elles témoignent de ce qui nous a enrichi au fil de notre histoire : l'ouverture sur le monde.

Je vais donc garder et regarder longtemps encore les images rapportées de vacances de ces cailloux qui nous fondent.

Tout comme je regarde cette cigarette que je ne vais pas fumer. Parce qu'elle vaut plus que le plaisir de quelques taffes.

Je la tiens d'un voisin de camping que j'ai croisé trois ou quatre fois. Un des rares qui disait "bonjour", "bon appétit" ou "bonsoir".

Un matin, il était en panne de clope. Il m'en a demandé une. Je lui avais pourtant dit : "c'est cadeau".

Le lendemain, il est revenu avec son paquet de Lucky Strike pour m'en offrir une. Il m'a dit : "Il faut toujours honorer ses dettes".

D'où venait-il ? Il a longtemps hésité avant de répondre, comme s'il avait honte. Le 95. Plus précisément ? Villiers-le-Bel.

Non, pas une racaille. Un jeune qui a décroché son CAP d'électricien et trouvé du boulot en trichant sur l'adresse de son CV.

Bien élevé le garçon. Par qui ? Une famille qui a dû fouler les pierres d'un de ces ports de la Méditerrannée.

Twitstory du 22 août 2010 entre 21 h 30 et 22 heures sur la TL de @christreporter

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