Le problème avec les morts, c'est qu'ils ne sont plus là pour parler.
Pourtant, j'aimerais bien pouvoir encore lire et entendre Christian Bachmann.
Pour ceux qui l'ont oublié, Christian Bachmann est mort en décembre 1997 à l'âge de 54 ans, des suites d'une hémorragie cérébrale.
Il était sociologue. L'auteur d'une précieuse Autopsie d'une émeute, histoire exemplaire d'un quartier nord de Melun.
Tiens d'ailleurs, Capa et David Pujadas devraient lui rendre hommage : il a inventé l'immersion dans les quartiers sensibles.
Quelques semaines avant sa mort, il expliquait comment toute une classe d'âge a son avenir bouché - Libé du 28 octobre 2007.
Il m'a servi de mentor : à la même époque, plongé dans une vague de violences urbaines.
J'ai fait comme lui. L'immersion dans les quartiers sensibles.
Comme lui, j'ai passé des semaines à sentir du dedans les violences urbaines. Comme lui, j'en ai fait une enquête, un livre.
J'ai repris le flambeau, poussé l'enquête et l'analyse plus loin.
Dans ses pas, j'ai continué à démontrer comment la misère avait fait émerger les économies parallèles.
Comment les caïds avaient pris en main les quartiers, remplacé l'Etat défaillant.
Comment la mondialisation avait enfanté un monstre (Christine Boutin, j'espère que tu es là).
Ces choses sont devenues des évidences aujourd'hui.
Vulgarisées – vulgarités – par Nicolas hier et Brice aujourd'hui.
Cette enquête m'a valu de porter la parole de Christian Bachmann dans les médias.
Il était mort, il ne pouvait plus parler.
Et puis, Alain Bauer est arrivé. Pour faire la synthèse de nos travaux.
Pour vendre, aussi, ses conseils à Nicolas.
C'est dans cette petite cuisine sociologique que Nicolas et Alain ont acomodé les concepts.
Racaille, caïds, karcher... qui firent du ministre de l'Intérieur un candidat crédible à la présidentielle.
Les racaille, caïds et autres karcher, fruits d'une observation sociologique et journalistique, furent réduits à des items de sociologie électorale.
Ni Nicolas à l'époque, ni Brice aujourd'hui, n'ont pris la peine de revenir sur les causes.
Celles que Christian Bachmann et moi avions posées comme explication à ces phénomènes.
Aujourd'hui, ça n'est même pas la peine de demander à Brice et Nicolas d'y revenir, de nous rendre à Bachmann et moi ce qui nous appartient.
A trop oublier les causes des violences urbaines, elles ont fini par se rappeler à leur mémoire.
En dépit des incantations, des statistiques douteuses, des pressions sur la presse, les quartiers sensibles vont mal. Ils flamberont encore.
Brice, Nicolas, n'oubliez jamais : comme l'a écrit il y a fort longtemps Hammourabi, faut un jour ou l'autre rendre la monnaie de sa pièce.
Twitstory du 9 juin 2010 entre 22 heures et 23 heures sur la TL de @christreporter
+1 /-)
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